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Publié par Cécile

Interview Gaga : Trompe-la-Mort nous dit tout !

SCOOP !

Jacques Collin, dit Vautrin, dit « Trompe-la-Mort »

nous dit tout sur la Pension Vauquer !

 

Notre Correspondante : M. Collin, tout d'abord, merci de nous recevoir et …

Jacques Collin : Mais laisse-toi aller, ma charmante ! On dirait que tu as un balais là où tu sais ! Pour une correspondante du (je cite) « magazine pipeul « Gaga, Le Magazine Qui Vous Dit Tout Et Même Ce Qu'On Ne Sait Pas » tu m'as l'air bien coincée ! Allons, toi, dis-moi « tu » et parlons franc. Pose tes questions : j'y répondrai. Alors, comme ça, j'ai appris que la Pension Vauquer était, comme qui dirait, devenue un « archétype littéraire » ?

Notre Correspondante (un peu surprise mais reprenant vite son flegme de vraie professionnelle) : Eh ! Bien, soit, mon cher Vautrin, je te dirai « tu » et tu as bien de la chance d'avoir affaire à une ancienne élève de classes littéraires. Oui, tu as raison : la pension Vauquer, c'est un archétype, désormais. Qui dit « Comédie humaine » ou Balzac, songe à toi, à la maison Vauquer, à Rastignac, au Père Goriot … Qu'en dis-tu, toi, l'un des principaux intéressés ?

Jacques Collin (alias Vautrin, se claquant sur la cuisse) : Ah ! J'aime mieux ce ton-là, ma petite mère ! Votre époque est à la fois trop crue question langage et en même temps bien trop dame-patronnesse. Ce que j'en dis ? J'ai connu M. de Balzac, que j'allais visiter dans ses rêves, pleins et de café et de fatigue. C'était un homme de cœur et je sais bien que, au fond de lui-même, il m'aimait bien. D'ailleurs, je suis, dans sa « Comédie ... », un personnage récurrent. Je suis Vautrin, je suis Trompe-la-Mort, j'ai une perruque parce que je suis roux, roux comme le Diable mais va, je suis un Bon Diable et il y a bien pire que moi. Ne trouvez-vous pas par exemple, vous, lecteurs du XXIème siècle, que la Restaud et la Nucingen, pour ne parler que d'elles et point de leurs époux, sont de fameuses diablesses, à elles deux ? Elles mettent en lambeaux le cœur de leur pauvre père, cet imbécile et pourtant impérial (oui, ce type-là, si sot qu'il soit, a quelque chose d'impérial) Père Goriot, avant de le lui arracher lentement et de le fouler alors qu'il palpite encore. Hein ? Est-ce que je ne suis pas un ange, moi, à côté de ça ? J'ai escroqué, j'ai torturé, j'ai tué, j'ai fait du bagne mais jamais je n'ai trahi un ami – et encore moins mon pauvre père, la chair de ma chair, le sang de mon sang. Et pour de l'argent, en plus !

Notre correspondante : Ce que certains exégètes ont dit de toi et de Rastignac est-il exact ? …

Jacques Collin (riant bruyamment) : Ah ! Pipeul, pipeul … Il n'y a que cela, qui vous intéresse : le sexe, comme on ne le disait pas, à mon époque ! … Mais j'ai l'habitude de parler vrai. Oui, j'aimais ce petit imbécile. C'est qu'il était beau, vois-tu : un visage d'ange et déjà, un cœur qui pouvait se transformer, en celui d'un archange déchu et inexorablement résolu à faire son chemin … Lui, à cette époque, était naïf. Il ne se rendait compte de rien. Dans le livre que tu appelles « Le Père Goriot », il méprise même les propositions intéressantes (et non sexuelles, dis-le bien à tes lecteurs ou il se peut que je revienne t'étriper dans ton lit!) que je lui fais sur le plan financier. Un ange, je te dis. Même que j'ai appris qu'il a soigné Goriot jusqu'au bout … Un ange … Moi, Vautrin, dit « Trompe-la-Mort », j'aime les Anges …

Notre correspondante : Et ta relation avec Mme Vauquer ?

Jacques Collin (à la fois exalté et ironique) : Ah ! Maman Vauquer ! Une femme comme je les aime ! Ronde, bien gentille en apparence, avec une voix douce et pleine de trémolos, tout plein de bonnes pensées et de bons sentiments … Mais à peine as-tu tourné le dos qu'elle te prend le couteau de la calomnie et te le plante entre les omoplates. Elle est ainsi : elle n'a pas le physique, non, mais elle a tout du mauvais ange, elle aussi. Oh ! Un mauvais ange de seconde catégorie mais qui fait tout de même son petit effet dans un livre, surtout sous la plume d'un Balzac … Maman Vauquer est rusée et intelligente : elle donne des draps retournés et rapiécés pour faire le linceul de Goriot et elle a le culot d'en demander vingt francs. Bravo, Maman Vauquer : ça, c'est de l'ignominie ou je ne m'y connais pas ! Comme le coup du médaillon d'or qu'elle a volé dans le cercueil de Goriot mais que cet innocent de Rastignac, se mettant pour une fois en colère, récupère sans désemparer … Sans la Michonneau dans sa pension, Maman Vauquer, écoute-moi bien, aurait pu être la sœur jumelle de Judas avec ses trente deniers …

Notre Correspondante : … Oui, mais ta relation avec elle ? …

Jacques Colin (avec un geste équivoque) : Si tu veux savoir si j'ai couché avec elle, que veux-tu que je te dise ? Si j'avais été … comment dites-vous, aujourd'hui ? … ah ! Oui, hétéro … sexuel (c'est bien le mot qui t'intéresse, non?), je me serais forcé à partager son lit. Par intérêt. Et elle avait de beaux restes, y a pas à dire … Mais j'étais plutôt de l'autre bord … Alors, Maman Vauquer, je l'amusais, je la menais à la comédie. Avec d'autant plus de facilité qu'elle avait un gros, gros faible pour moi ... Mais sûr que j'aurais préféré Eugène … (Après un silence songeur:) D'ailleurs, il était beaucoup plus intelligent …

 

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J
Une très belle interview, pleine d'humour comme tu as l'habitude d'écrire, bravo Cécile ! :)
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M
Superbe interview, Cécile, bravo ! :D J'adore le ton !
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